Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Un grand merci aux Editions Kyklos et au forum Partage Lecture pour ce partenariat de très grande qualité, une fois de plus avec cette maison d'Editions.

Quatrième de couverture :

Après la Commune de Paris, de nouvelles lois vont réprimer les populations potentiellement dangereuses. La politique d'épuration sociale, déjà violente sous le Second Empire, se durcit sous la IIIe République. Déportation, transportation et relégation remplissent les bagnes de métropole ou d'Outre-Mer. Les travaux forcés, vantés par d'honorables ministres républicains, doivent aboutir à une forme de rédemption laïque que les bagnards sont censés porter jusqu'aux antipodes. Mais cette image colonisatrice d'une France modernisée, industrielle et triomphante, n'est qu'une façade. En réalité, on nettoie le territoire de cette intarissable veine de misère, on rassure les honnêtes gens, on offre ainsi aux puissantes exploitations agricoles et minières une main d'oeuvre à bas prix. L'administration pénitentiaire signe avec la direction de la Société Le Nickel des « contrats de chair humaine ». Charles Zacharie Blondel, petit agriculteur ruiné, braconnier et voleur de poules, condamné à la relégation à l'Île des Pins, fut victime au bagne de Nouvelle-Calédonie de ce tout premier avatar du néo-esclavagisme colonial.

Avis et commentaires :

Probablement le témoignage le plus à charge contre le bagne et l'injustice, érigée en principe judiciaire par la France et son gouvernement post-communard.  Entre 1890 et 1893, à partir de documents d'archives authentiques mentionnant le nom de Zacharie Blondel, Philippe Cuisset va dresser à ses lecteurs l'itinéraire de souffrance et de calvaire de ce malheureux Zacharie, réduit au numéro de matricule infamant de 1782 entre Brest et la Nouvelle Calédonie.

C'est en fait à un destin bien sordide que le monstrueux sytème politique, économique et colonial de cette époque va briser jusqu'à son dernier souffle et sa vie Zacharie et à travers lui de nombreux autres hommes dont on ne peut pas dire qu'ils aient menés un vie de délinquance et de haute criminalité.... de simples paysans, fermiers, artisans ruinés par la misère, la crise, le plus souvent en charge de famille qu'il fallait bien nourrir pour survivre d'où de simples pécadilles comme le vol de poules ou de nourriture mais, hélas pour le système judiciaire de l'époque des récidivistes qu'il faut exclure à tout prix de la société.

Cette chaîne d'inhumanité est cyniquement démontée et autopsiée avec le cynisme de l'époque par Philippe Cuisset. Du juge partial appliquant avec cynisme des lois discriminatoires pour les plus faibles et pauvres des français (de métropole comme d'Algérie), aux directeurs des prisons fournisseurs de chair humain à des industries (celle du Nickel en particulier) en pleine croissance, à l'armée, aux gendarmes, à la compagnie maritime qui va les acheminer telle de la viande vers des nouvelles colonies (ici la Nouvelle Calédonie), comme au médecin présent à bord de ces galères modernes dont le seul souci est que le chargement arrive en relatif bon état à destination.... Comble de l'ironie, les forçats arrivant au terme de leur peine vont être "généreusement" récompensés par un bout de terre totalement desséché et aride  (en clair inexploitable) de cette terre calédonienne qui l'a vu ployer sous la charge de la déforestation puis de la recherche du nickel durant l'exécution de sa peine....... cette longue chaîne ne peut qu'amener le lecteur à la nausée et au dégoût.

Au fond, on retiendra au quotidien la douleur (physique et morale) et la progressive déshumanisation de Zacharie, ce symbole, dans ses derniers jours sur le continent puis dans le long transfert enchaîné vers la Nouvelle Calédonie comme dans sa fin de peine sur du défrichâge et dans les mines de nickel, les rivalités, rixes, le désespoir des ses compagnons d'infortune conduit, pour certain à la folie. Les mots et les descriptions comme l'état de sa pensée et de ses compagnons sont tragiquement simples et prégnants. C'est au scalpel que Philippe Cuisset dresse aussi les portraits de ces charognes (juge, militaire, médecin, gouverneurs, industriels...) qui ont tout mis en oeuvre pour que tout éclat d'humanité, de raison d'être chez ces pauvres hères bannis de la société de l'époque soient annéantis.

Une lecture d'une grande densité, qualité et solidement argumentée qui est un témoignage capital de cette époque, un plaidoyer contre le retour d'un tel système.

Tag(s) : #kykloseditions, #partagelecture.com
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :