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Troisième et dernier livre de la sélection de février du Livre de Poche dans le cadre de l'opération du Prix des Lecteurs 2014, section Littérature, qui m'a été adressé en tant que membre de ce jury.

 

Quatrième de couverture

 

Parce qu'elle vient d'avoir 50 ans et qu'elle est célibataire, Dorrit est devenue "superflue" et à ce titre, doit rejoindre l'Unité. Un appartement lumineux et confortable, agrémenté de micros et de caméras de surveillance, lui a été réservé. Un écran de télévision, mais pas de téléphone ni Internet pour communiquer avec l'extérieur....

En plus d'être logés, les résidents sont nourris, bénéficient de soins médicaux et peuvent consacrer leur temps au loisir de leur choix. Les nouveaux arrivants sont chaleureusement accueillis... avant d'être affectés à des groupes d'expérimentations médicales humaines.

Le corps de Dorrit ne lui appartient plus : à chaque instant on peut lui prélever un organe au bénéfice de ceux qui vivent à l'extérieur et qui sont encore "utiles". Tout est prévu dans le mondre détail. Sauf une rencontre qui va tout changer.

 

Avis et commentaires :

 

La Suéde offre décidément bien des facettes dans le domaine littéraire, elles avait déja un beau palmarés en littérature noire, en classique et en polar mais elle semble exceller aussi dans le domaine de l'anticipation et de la fiction avec ce premier livre de Ninni Holmqvist, un OVNI littéraire pour moi.

 

Dans la droite ligne d'Orwell et Bradbury, nous voici projeté dans une Suède (dont le modèle sociétal est si souvent donné en exemple) bien sombre où tout adulte de plus de 50 ans sans enfant, ni talent particulier, est basculé dans la catégorie des "superflus", immense réserve de cobayes humains versé dans l'expérimentation médicale et scientifique et  le réservoir le donatrices et donateurs d'organes à la tranche de population la plus utile et rentable ; les "nécessaires". Pire encore cela se fait dans la plus grande quiétude et connaissance de toutes et tous, c'est devenu un modèle normal de société. Les "nécessaires" consomment tout ou partie des "superflus" selon leur besoin et état de santé.

C'est ainsi que nous allons suivre Dorrit, célibataire sans enfant, de son entrée à sa fin plus ou moins programmée. Tout est fait pour que la communauté de ces "superflus" se sente choyée, elle est pris totalement en charge (hébergement, nourriture, loisirs, sports) et se constitue une sorte de vie sociétale sur la durée de leur séjour (qui n'excède rarement pas plus de 3 ans) entre examens, essais, expériences, prélèvements d'organes (on les découpe ainsi par morceaux) et vie en communauté. Ces "superflus" deviennent des invisibles et sont proprement effacés du monde réel et des leurs.

Enfermée (certes dans de grandes zones pavillonaires toutes proprettes et arborées) et coupée de tout lien famillial, sociétal classique comme de tout repère chronologique, cette petite communauté se construit et Dorrit va même parvenir à se constituer un petit monde d'amis et d'affections qu'elle n'avait jamais connu auparavant. Des liens se créent (amicaux, amoureux sans tabou particulier) le temps de cette détention volontaire et par leur puissance et le peu de temps de vie restant, prennent des proportions qui risquent bien de mettre à mal ce petit modèle qui tournait jusque là. Restent aussi les souvenirs d'avant, le lecteur va ainsi découvrir l'histoire personnelle de Dorrit avec ses failles (un avortement, un amant) et ses échecs. 

Entre ses amies, Elsa, Petra, Alice, Majken et son amant / grand amour Johannes, les liens se tissent, fragiles, provisoires et l'échéance finale , joliment re baptisé "le don final", se précise pour chacunes d'entre elles. L'improbable aussi se produit avec la grossesse de Dorrit et bouleverse son destin, sa perception par les scientifiques et infirmiers l'encadrant  comme ses amitiés et son amour. Alors qu'elle voit dans la perspective de l'enfant et de son couple, une porte de sortie à son destin de "superflu", c'est tout le cynisme et la vacuité de "l'Unité" qui se dressent face à elle. Le lecteur voudrait tant croire à cette résurrection et la voir être ré introduite dans la communauté des hommes....

 

Fragilité des êtres, portraits de cette petite communauté si résignée à son sort, de sa vie quotidienne, des failles et des morceaux de vie de chacune, c'est un portrait toute en sensibilité avec une certaine notion de suspense que Ninni Holmqvist nous dresse. Mais aussi un réquisitoire contre une telle évolution de nos sociétés si attentives à ses conditions hygiénistes et aux progrés de la science pour la survie de ses composantes humaines. 

Tag(s) : #Jury Prix des Lecteurs de LDP 2014
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