Second livre de la sélection de Février adressé à mon attention dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2014 (section Littérature) dont j'ai le bonheur d'être un des membres.
Quatrième de couverture :
C'est l'histoire de deux corps projetés dans une ville et qu'envahissent peu à peu des fantômes : Sarah, Juive d'origine polonaise, née et élevée à New York, est venue vivre en Israël avec sa mère après les attentats du 11 Septembre. Leïla est palestinienne, elle a grandi dans un camp de réfugiés en Cisjordanie.
Elles ont dix-sept ans et, en commun, le désir de ne pas être sérieuses. Leurs voix alternent dans des jeux de miroirs troublés de brisures, puis se mêlent au rythme d'une marche qui les conduit l'une vers l'autre dans les rues de Jérusalem.
Soeurs ennemies, Leïla et Sarh sont deux Antigone dont la chair est la terre où border et ensevelir leurs morts.
Avis et commentaires :
Thématique assez intéressante que celle suivie par Gwenaëlle Aubry dans ce récit croisé de Sarah et Leila, toute deux vivant originellement dans des mondes différents qui à la fleur de l'adolescence, vont se retrouver tragiquement et intimement liées.
Issue d'une famille juive polonaise dont les grands - parents maternels ont connu le ghetto de Varsovie et les camps d'extermination, Sarah vivait insouciante et en totale méconnaissance de l'importance de l'héritage tragique de ses racines juives et du poids de la mémoire de ses ancètres au coeur d'un monde et d'un continent nord américain bien éloigné des tragédies de la Palestine et des conflits qui l'anime. De ses parents divorcés, seule la mère conserve un semblant de pratiques religieuses et ploie sous le poids de la l'holocauste et de la crainte d'une nouvelle atteinte au peuple juif.
Née à New York, Sarah est décidément bien loin des préoccupatons maternelles, soutenue par son père et se sent particulièrement en sécurité. Ce sont les attentats du 11 Septembre qui vont entraîner la décision quasi instantanée de sa mère à partir avec Sarah, rejoindre son fils et sa femme pour s'installer définitivement là où, selon elle, la sécurité est totale : Israël. Une décision unilatérale bien lourde en conséquences pour Sarah.
Pour Leïla la violence, la misère, les attentats et la ségrégation entrenue par Israël sur la Palestine sont son quotidien depuis la naissance. Des frères torturés, des intifadas renouvelés, la haine, les rivalités tout cela ne peut que créer et renforcer un seul souhait chez elles ; celui de s'instruire et d'émigrer vers l'Occident. Au moment où le destin de nos deux héroînes les font se rencontrer à Jérusalem, Leïla a obtenu de son père qu'il souscrive à ses voeux et ne suive pas la tradition du mariage jeune et arrangé.
C'est à Jérusalem que ces deux jeunes femmes vont jouer leur partition et leur ultime confrontation involontaire. Sarah s'appropriant enfin en Israël l'histoire du peuple juif et son historique familial personnel, Leïla, pourtant sur le point de fuir le destin d'une palestinienne mariée tôt, sans autre perspective que d'enfanter et de pleurer, à l'opposé devient la victime expiatoire des haines entre juifs et palestiniens et s'orientant vers le destin d'une kamikaze.
On ne peut que saluer la performance de nous rendre les pensées de l'une et l'autre des ces deux adolescentes prises dans la tourmente mais aussi du quotidien des juifs en Israël et des réfugiés palestiniens.
Livre étonnant par son mode d'écriture qui m'a parfois paru un peu déroutant quand des paragraphes s'entrecoupent au milieu de phrases pour les monologues intérieurs de Sarah et Leïla.
Livre pragmatique où l'auteure rend parfaitement compte de la construction des deux entités diamétralement opposées, des excès des deux parties et de la lente évolution de ses deux héroïnes.