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Un grand merci au forum Livraddict et aux Editions Folio qui m'ont permis de découvrir cet auteur et ce livre.

 

Quatrième de couverture :

 

La France a toujours vécu d'une tension entre l'esprit national et le génie des pays qui la composent, entre l'universel et le particulier. Mona Ozouf se souvient l'avoir ressentie et intériorisée au cours d'une enfance bretonne. Dans un territoire exigu et clos, entre école, église et maison, il fallait vivre avec trois lots de croyances disparates, souvent antagonistes. À la maison, tout parlait de l'appartenance à la Bretagne. L'école, elle, au nom de l'universelle patrie des droits de l'homme, professait l'indifférence aux identités locales. Quant à l'église, la foi qu'elle enseignait contredisait celle de l'école comme celle de la maison. 
. En faisant revivre ces croyances désaccordées, Mona Ozouf retrouve des questions qui n'ont rien perdu de leur acuité. Pourquoi la France s'est-elle montrée aussi rétive à accepter une pluralité toujours ressentie comme une menace? Faut-il nécessairement opposer un républicanisme passionnément attaché à l'universel et des particularismes invariablement jugés rétrogrades? À quelles conditions combiner les attachements particuliers et l'exigence de l'universel? En d'autres termes, comment vivre heureusement la «composition française»?


Avis et commentaires :

Oeuvre à la fois autobiographique de cette scientifique historienne  et essai socio - historique sur le sujet de l'identité française, à travers les rapports entre la Bretagne et sa culture et la France dans son ensemble. Mona Ozouf nous permet ici d'apporter une contribution précise et détaillée au débat qui a animé la société française, il y a quelques mois. Il ne s'agit pas ici de propos creux ou d'une quelconque recherche de plaire à tel ou tel autre partie de notre société, mais d'une approche richement illustrée (bibliographiquement, historiquement, intellectuellement et politiquement) et claire.

Pour vulgariser au mieux cette approche, Mona Ozouf prend comme repère et cadre sa propre histoire familiale. Issue d'un couple d'enseignant / instituteur très impliqué dans la défense et la reconnaissance de la culture bretonne, la jeune Mona perd très jeune (à 4 ans) son père, activiste breton et va devoir évoluer et se construire dans le culte des valeurs paternels délivré par sa grand mère comme sa mère et les valeurs que veulent inculquer l'école laïque et républicaine (sur le schéma d'une seule culture celle de la France) et la société bretonne.

Huit parties équilibrées partagent ce livre ;

- "L'avant propos "installe le débat de tout le livre ; définition contradictoirede la notion de nation française.

-  "La Scène Primitive" c'est l'histoire de ce père que Mona perd à 4 ans (histoire personnelle, rencontre et implication personnelle de la cause bretonne, rencontre de  la mère, rappel de sa généalogie).

- "La Bretagne Incarnée", c'est la description de celles qui sont de fait les repères de Mona, sa grand mère Bretonne dans les moindres détails (images d'archives) et sa mère institutrice puis directrice d'école, description du mode de vie quasi ancestral breton (avec ses tabous et la généalogie familiale). C'est aussi le petit scandale pour des bretonnes pure souche d'inscrire Mona dans un école laïque et la volonté maternelle d'inculquer la défense de la langue bretonne à sa fille, en souvenir de son père mais le bilinguisme installé dans la vie quotidienne.

- "L'école de la Bretagne" ; toute la vie quotidienne, solitaire et monotone de ce triangle féminin, les figures honnies de l'histoire noire (Du Guesclin traître à la cause pour servir l'armée du roi de France, la demande d'union de la Bretagne à la France) entre la Bretagne et la France, les premiers livres de la bibliothèque familiale très bretonne. C'est aussi pour le lecteur, la découverte ou re découverte du bestiaire et de la légende bretonne. On suit cette initiation  avec la description de la maison de vacances familiales  de Kervichen dans le Finistère, ses paysages et là aussi les légendes.

- "L'école de la France" ; c'est une des parties les plus truculentes de ce livre décrivant les relations conflictuelles entre l'école privée et l'école publique dans une terre aux racines catholiques fortes dans la petite commune de Plouha. On y approche aussi les suspicions ancrées chez les bretons comme les angevins ou les vendéens à l'égard de la France, qui, lors des guerres, enverrait plutôt ces régionaux les premiers au front.

- "L'école de l'église" ; autre partie truculente avec l'entrée en catéchisme de ces filles de la laïcité, une religion ancrée dans l'histoire familiale, les invraisemblances de la religion catholique à travers ses obligations, ses représentants, ses ostracismes. Une citation illustre parfaitement le thème de cette partie comme d'une certaine manière tout le livre  "Fallait-t'il vivre inégaux et dissemblables, comme l'église le donnait à penser ?  Ou bien égaux semblables, égaux parce que semblables, comme l'enseignait l'école ? Ou encore égaux et dissemblables, égaux pour faire valoir nos dissemblances, comme le professait la maison ?"

- "L'éloignement" ; après l'enfance et Plouha, c'est la grande ville avec Saint Brieuc où tout le triangle féminin migre en 1941, en pleine seconde guerre mondiale. La vie s'écoule plutôt paisiblement sous l'occupation, quelques chocs pour Mona avec l'apparition à l'école de la première étoile jaune perçue par un des amis indépendantistes bretons comme un simple symbole comme l'est l'hermine pour la Bretagne et ses armoiries. Arrive la libération avec le retour à une vie normale, la connaissance de l'écrivain Louis Guilloux qui va donner l'envie d'écrire à Mona et lui ouvrir les portes d'une bibliothèque plus universelle mais axée sur deux sujets l'identité bretonne et la couleur politique (de gauche) à l'image du père défunt. Le choc littéraire avec Camus et "l'Etranger". Second temps dans cette partie dense, l'arrivée à Paris et l'engagement au sein du Parti Communiste de Mona, les chimères et la découverte des horreurs stalinienes.

- Enfin la dernière partie  "Une composition française", après la structuration de sa personnalité, l'historique familial, la défense de la culture Bretonne, c'est la partie la plus fouillée, mélange à la fois sociologique, historique, politique et féministe. On quitte les souvenirs personnels pour suivre toute l'évolution de la défense des identités culturelles régionales face à la volonté d'intégration parfois dure et excessive de la nation Française, une et indivisible, des ses particularismes. C'est vu à travers l'histoire de la Révolution Française à nos jours , le paradoxe de la volonté jacobine de n'être qu'une seule nation mais qui est obligée de tenir compte des identités culturelles régionales. Ce dernier chapitre est peut être le plus ardu mais expose la contribution nécessaire de cette historienne sur les sujets actuels (le foulard islamique, la montée du communautarisme à la fois nécessaire et catastrophique dans ses excès, le féminisme  et une approche contrastée de la parité)

Un excellent livre à la fois attachant, érudit  et instructif.

Tag(s) : #Mes critiques de livre lus
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