En tout premier lieu, des remerciements très sincères, à l’heure où je referme ce livre encore très ému par cette belle histoire, à Bibliofolie, aux Editions « Fin mars début avril » et à Sébastien Fritsch pour sa dédicace personnalisée accompagnant ce partenariat.
Histoire, avis et commentaires :
Drôle, bouleversant, sincère et tellement proche de la vie quotidienne de ses lecteurs, tels sont les premiers qualificatifs qui me viennent à l’esprit après une lecture fébrile de ce livre.
Histoire et histoires familiales reconstituées par bribes et pièces qui s’emboitent heureusement pour décliner ce qui à la base est le parcours de quelqu’un qui n’a pas eu d’histoire originelle car orphelin ; Thomas Couderc. Cet enfant balloté de familles d’accueil en familles d’accueil est devenu médecin légiste passionné par son métier et a construit un cocon familial qu’il n’a jamais eu (promesse qu’il s’était faîte dès l’enfance), cela ne s’est pas passé aussi simplement et on va découvrir que ce beau projet ne s’est pas fait sans problème et n’offre pas un portrait sans faille.
Cette découverte très sensible se fait par traits légers à travers des instantanés de vie des membres les plus proches de cette famille ; Solveig, l’épouse et la femme de cœur de Thomas dont on apprend tout l’historique de leur rencontre (c’est le fil conducteur de ce roman), les 3 filles du couple (Estelle, Salomé et Clara)avec des itinéraires complexes tant professionnels que privés pour les deux ainées (histoires d’amour vraies mais tragiques) et des chemins de traverse qui les ont séparé, sensées reconstituer leur trio à l’occasion du mariage de la petite dernière Clara la plus sereine et apaisée et enfin Alice, amie du couple et assistante de Thomas mais surtout véritable clé de voûte de la famille.
Thomas Couderc est médecin légiste par choix, cette orientation n’est pas forcément consciente, c’est probablement la mise en perspective de l’ensemble des témoignages de ses filles qui nous donnera des éléments de réponse. Ce choix et son habitude singulière mais néanmoins excentrique de faire ses examens légistes en parlant et en inventant des histoires à chacune des victimes expertisées vont directement perturber ses relations avec Solveig, ses filles et Alice. Dans le bon sens pour cette dernière qui par égard pour Thomas ainsi que par amour et reconnaissance va mettre en musique et en écriture les histoires qu’il renouvelle à chaque mort autopsié, en publiant des romans. Dans un certain sens négatif, surtout pour ses deux filles ainées qui vont elles aussi côtoyer la mort dans leurs histoires d’amour respectives, un musicien drogué qui espère la gloire pour Estelle et un jeune Kenyan atteint du sida pour Salomé. Histoires d’amour tragiques, donc, probablement en liaison avec une trop grande difficulté de communication pour Thomas envers le monde des vivants et donc de ses proches, amputé par la recherche inconsciente de ses parents et de la rencontre alors qu’il était enfant d’une petite fille qui le marqua
Trop semblables, trop différentes entre elles ou / et par rapport à leur père, le lien entre les trois sœurs et leur père reste complexe mais à la fois passionné et d’une grande tendresse si ce n’est amoureux. La conjonction de l’histoire de vie de Thomas et de celles de ses proches à différents moment, va aussi amener le lecteur à établir le portrait de celle qui reste l’élément clé de ces vies et a donné le titre à ce fantastique roman ; « la petite fille qui parle au vent ».
Portrait d’une grande tendresse, juste, pudique et empreint d’une certaine gravité et poésie, c’est un bel auteur que je découvre ici. Une écriture subtile, juste et de qualité, tout cela sans jamais donné dans le pathos ni dans l’excès, voilà longtemps que je n’avais pas eu l’occasion de découvrir un auteur et un monde de cette qualité.
Quelques citations :
« Aussitôt Thomas prend cette résolution ; « Je ne veux pas devenir fou, moi. Alors, puisque c’est comme çà, quand je serai grand, je serai pas adulte. » »
« Puis enchainant les phrases réconfortantes, il parvenait finalement à leur réinventer une vie ; une vie qui finissait bien. Comme s’il s’était senti investi de la mission de consoler ces cadavres du sort funeste qui les avait conduits au laboratoire de médecine légale du CHU de Nancy-Brabois.
« Deux sœurs, c’est comme deux pays d’un même continent : héritage commun, coutumes dissemblables »
« Mais tu auras beau ouvrir tous les cadavres de la terre pour les chercher, tu ne retrouveras jamais tes parents ! Par contre, depuis quarante ans, il y a plein de gens qui sont entrés en scène ; et tu n’as même pas un regard pour eux »