Livre découvert et lu grâce au forum Libfly et cela dans le cadre du
Echange à suivre sur http://www.libfly.com/lecture-commune-des-titres-en-lice-pour-le-prix-des-lecteurs-du-salon-du-roman-historique-de-levallois-billet-3021-942.html
Quatrième de couverture :
"Je suis une vieille qui vacille, totubante et méchante, tordue par la douleur, sans doute. Je ne sourcille pas, je bouge à peine. Hébétée, j'ai comme un premier pied dans la tombe. Je distribue cà et là des sourires perdus et las, parfoi mes traits tendus deviennent cruels, il faut dire que je suis invivable depuis la maladie d'Henri et l'on peut bien me comprendre. La souffrance et lamort qui rôdent dans la maison depuis un an m'ont rendue toujours plus morne et grinçante. Toujours plus vivante en somme, voici une année que cela dure, Prune, et tout s'est achevé cet après-midi"
Au retour de l'enterrement de son mari, Magda, submergée par une rage sourde plus que par la peine, regarde avec dureté la petite troupe rassemblée chez elle après la cérémonie . Comme une obsession, le récit intérieur émerge, les souvenirs se bousculent.
Ceux de l'enfance et de la jeunesse aux côtés de Prune, l'amie de toujours, dans le Paris des années trente.
Leurs deux familles réunies, l'insouciance et la joie de vivre, les incompréhensions et les déconvenues, aussi. Puis c'est la guerre et l'Occupation. Et la vie d'après. Au fil du récit, l'image du père de Magda se fait omniprésente ; un père qui choisit, après la guerre, de se murer dans le silence. Que s'est t'il passé que Magda n'a jamais su ? Sur quels non-dits et quels décombres a-t-'elle dû construire sa vie ?
Avis et commentaires :
Un très beau roman par lequel il faut se laisser porter par de multiples facettes ; le témoignage de ces années trente et de son bonheur, la montée des périls, l'Occupation, la déportation et les camps de la mort puis l'après guerre, tout cela porté par le récit de Magda, professeur de musique à la retraite et qui choisit la date de l'enterrement de son époux avec la découverte de deux lettres graves et tragiques pour narrer toute sa vie ou presque au rythme de l'amitié, d'une quasi sorité avec Prune, de l'évolution de leurs liens se délitant avec la déportation et la mort de cette dernière (parce que juive), de deux familles fusionnelles et complices et la poursuite de sa vie après ce choc.
Long témoignage sur la construction de deux enfants puis deux adolescentes, sur la création de lien essentiel et vital, sur ce qui va les rapprocher quasi fusionnellement puis les orienter de manière plus différente mais toujours en une empathie totale.
Vivre le quotidien de ces deux familles si proches, si complices, celle de Prune et celle de Magda aux religions différentes et suivre l'évolution de la société française et de Paris à travers la vie quotidienne de 1930 à 1945, la montée des extrêmes, de la collaboration et la recherche de ce qui s'est produit en novembre 1942 alors que tout était prêt pour la fuite de la famille de Prune et que c'est tout le contraire qui se produit.. On y découvre une grande complicité entre ces deux filles et le contraste entre Prune s'engageant dans l'action politique aux pires heures de l'histoire de France alors que Magda en est si distante. Les deux familles vont finalement bien représenter une partie de la société française durant cette époque, opposées par conviction ou par obligation à la collaboration endossée par une partie majeure de la communauté nationale.
Vivre aussi et tenter de comprendre ce que cette fracture et ce choc de novembre 42 a provoqué chez Magda, se reconstruisant avec difficulté en épousant Henri, lui-même dernier survivant de sa famille décimée par la guerre, et chez ses parents se refermant sur eux-mêmes pour essayer de comprendre. Ce n'est qu'à la fin du livre par la découverte de deux lettres que les masques tombent et que nous trouvons, comme Magda, des réponses à ses questions, sa déchirure.
Livre de grande qualité, témoignage historique et témoignage humain, écrit avec talent et sensibilité, sans pathos excessif